Compromis de vente sans notaire au Maroc : Pièges, risques de perte de fonds et entrave au rapatriement.

L’investissement immobilier au Maroc séduit de nombreux investisseurs, qu’ils soient étrangers ou Marocains Résidant à l’Étranger (MRE). L’attrait pour la ville, les opportunités ou même la simple présentation de maquettes peut inciter à une certaine précipitation, poussant certains à vouloir saisir rapidement des opportunités. Face à cette envie d’acquérir un bien, la tentation est grande de conclure des accords préliminaires, tels que des « compromis de vente sans notaire », ou de verser directement des avances de fonds au vendeur, parfois même jusqu’à 60% du prix, voire la totalité, et ce, en espèces (« cash ») ou par d’autres moyens.

Cependant, comme le souligne Me Amal Anouide, avocate au barreau de Safi, cette pratique est « dangereuse » et « fortement déconseillée ». Elle expose les acquéreurs à des risques considérables : l’absence de garanties juridiques quant à la propriété du bien ou à d’éventuelles charges foncières, un risque élevé de perte de fonds (le vendeur pouvant par exemple revendre le bien à une autre partie), et des obstacles majeurs au rapatriement ultérieur du capital et des plus-values en cas de revente de l’investissement. Cet article vise à détailler les pièges de cette démarche et à souligner pourquoi le notaire est le professionnel indispensable à consulter dès le premier contact et jusqu’à la liquidation de votre investissement, afin de garantir la sécurité de votre transaction et la traçabilité de vos fonds.

I. Les dangers insoupçonnés du « Compromis de vente sans notaire » et des avances directes

L’une des erreurs les plus critiques commises par les acquéreurs est de s’engager financièrement sans l’encadrement d’un professionnel du droit.

1. Des avances de fonds dangereuses et non sécurisées

Maître Amal Anouide est formelle: il est « fortement déconseillé d’avancer entre les mains du vendeur, que ce soit cash ou autre, rien du tout ». Pourtant, la réalité montre que des acquéreurs, séduits par un projet ou une ville, versent des avances qui peuvent atteindre « jusqu’à 60 % du prix de vente, parfois et plus, il y en a même qui payent la totalité du prix de vente » directement au vendeur. Une telle pratique est qualifiée de « dangereuse ».

Cette méthode expose l’acquéreur à une absence totale de garanties immédiates et crée une insécurité juridique majeure :

  • Incertitude sur la qualité et la capacité du vendeur : Sans l’intervention d’un notaire, l’acquéreur n’a aucune certitude que le vendeur est bien le propriétaire légal du bien et qu’il a la capacité juridique de le vendre.
  • Risque de charges foncières non identifiées : Le bien peut être grevé de charges foncières (hypothèques, dettes ou arriérés d’impôts) inconnues de l’acquéreur. Le notaire, lui, effectue des vérifications préalables essentielles pour s’assurer que le bien est « vierge de toute charge ».
  • Non-transfert de propriété immédiat : L’acquéreur n’est propriétaire qu’au jour de l’inscription de l’acte sur les livres fonciers. Tant que ce transfert n’est pas opéré, les fonds versés directement au vendeur ne sont pas sécurisés et « doivent rester chez le notaire », car c’est la « garantie de l’acquéreur ». En effet, le notaire ne débloque le prix de vente consigné chez lui au profit du vendeur qu’après l’inscription de l’acte foncier.

Bien que le versement direct d’argent au vendeur ne soit pas « prohibé » par la réglementation des changes, « sur le plan pratique, sur le plan notarial et juridique, on déconseille fortement de payer préalablement la signature de l’acte notarié » en raison des multiples risques encourus.

2. Des risques concrets de perte de fonds et de litiges

Les conséquences de ces pratiques sont souvent dramatiques et peuvent entraîner des litiges complexes et une perte financière importante :

  • Perte de fonds et revente à un tiers : Il existe des situations où un vendeur, après avoir reçu une avance substantielle, cède le bien à une autre partie. Le premier acquéreur se retrouve alors sans le bien et avec d’énormes difficultés à récupérer les fonds versés.
  • Demande d’expulsion par le nouveau propriétaire : Un acquéreur ayant versé une avance peut se voir confronté à une demande d’expulsion de la part d’un nouveau propriétaire, légalement enregistré, même s’il a déjà versé une somme importante pour le bien.
  • Difficulté à prouver l’accord ou à récupérer les fonds : L’absence de documents officiels établis par un notaire rend la preuve de l’accord difficile en cas de litige. Un cas a été cité où un acquéreur ayant versé une avance de 20 000 dirhams (2 millions d’anciens francs) devant un « simsar » (courtier immobilier) s’est retrouvé sans preuve solide et le courtier a même refusé de témoigner en sa faveur.

Concernant le « compromis de vente », il n’est « pas obligatoire » pour l’achat immobilier. Cependant, avec la nouvelle obligation d’obtenir l’attestation fiscale préalablement à la signature de l’acte de vente, les acquéreurs ont désormais tendance à signer des compromis pour « sécuriser leur accord » le temps d’obtenir cette attestation. Le compromis est également fréquent en cas de financement bancaire ou lorsqu’il faut lever des charges comme des hypothèques. Dans tous ces cas, pour qu’il soit sécurisé, il est fortement recommandé qu’il soit établi avec l’intervention d’un notaire pour garantir la sécurité juridique de l’engagement.

II. Le rôle indispensable du notaire : Sécurité juridique et traçabilité des fonds

Face aux écueils que nous venons d’évoquer, la lumière est faite sur le rôle central et absolument non négociable du notaire. Comme le confirme Maître Amal Anouide, pour tout investisseur, qu’il soit étranger ou Marocain Résidant à l’Étranger (MRE), le notaire est le « premier professionnel qui doit voir dans un pays et c’est le dernier ». Cette assertion n’est pas anodine : il est le garant de la sécurité de votre investissement, du début à la fin.

1. Le notaire : Votre bouclier juridique dès le premier contact

Arriver dans un pays dont on ne maîtrise pas forcément toutes les subtilités légales et fiscales peut être déroutant. C’est pourquoi une consultation avec un notaire ou un avocat est « fortement recommandée » avant même de faire le premier pas ou de s’engager.

Le rôle principal du notaire est d’« authentifier les contrats des parties ». Contrairement à un simple acte sous seing privé (entre les parties sans professionnel), l’acte notarié confère une « plus grande garantie » et une « sécurité contractuelle ». Il s’assure que les contractants ont reçu toutes les « explications nécessaires », y compris sur l’« impact fiscal », avant de signer.

Mais le rôle du notaire ne se limite pas à la simple rédaction d’actes. Il s’agit d’un accompagnement complet et indispensable :

  • Conseil juridique et fiscal : Le notaire fournit un conseil juridique et fiscal précis, vous éclairant sur la situation des lois, des droits et des taxes en vigueur.
  • Vérifications préalables essentielles : Avant toute signature, le notaire effectue des démarches cruciales. Il s’assure que le bien est « vierge de toute charge », c’est-à-dire qu’il n’est pas grevé d’hypothèques, de dettes ou d’arriérés d’impôts. Il vérifie également la « qualité du propriétaire » et sa « capacité » juridique à vendre le bien. Une nouveauté importante est l’obligation d’obtenir une « attestation fiscale » préalablement à la signature de l’acte de vente, pour confirmer que toutes les taxes sont à jour.
  • Sécurisation du transfert de propriété : L’acquéreur n’est « propriétaire que le jour de l’inscription de l’acte sur les livres fonciers ». Tant que cette inscription n’est pas faite, les fonds versés ne sont pas sécurisés. Le notaire est celui qui garantit ce processus.

2. La traçabilité des fonds : La clé du rapatriement sécurisé

L’une des raisons les plus impérieuses de passer par un notaire est la sécurisation des fonds et la garantie de leur traçabilité, essentielle pour le rapatriement futur de votre capital et de vos plus-values.

  • Le notaire, garant de vos fonds : Le notaire est catégorique : « les fonds doivent rester chez le notaire, c’est la garantie de l’acquéreur ». Le notaire ne débloque le prix de vente au profit du vendeur qu’« au moment où l’inscription de l’acte foncier est faite ». Payer des avances « directement entre les mains du vendeur », que ce soit en espèces ou par d’autres moyens, est « fortement déconseillé » et vous expose à d’« énormément de risques ».
  • Importance de la traçabilité pour le rapatriement : Le Maroc offre la « garantie de retransfert », permettant de rapatrier le capital et les plus-values de votre investissement. Cependant, cette garantie est conditionnée par la preuve que l’investissement initial a été financé par le « rapatriement de la devise étrangère ». C’est pourquoi la « traçabilité » est cruciale.
  • Comment assurer la traçabilité ? Il est « préférable d’ouvrir d’abord un compte en dirham convertible » au Maroc sur lequel vous effectuez un virement depuis l’étranger pour financer l’acquisition. Ce type de compte est spécifiquement alimenté par la devise étrangère et est la seule option légale pour les non-résidents. Bien que vous puissiez effectuer un virement directement sur le compte du notaire, l’essentiel est de « garder la traçabilité ».
  • Conséquences de l’absence de traçabilité : Sans cette preuve de financement étranger, le rapatriement des fonds peut être limité. Si l’acquisition a été faite avec des revenus locaux et sans traçabilité des fonds rapatriés, l’investisseur pourrait n’avoir la possibilité de rapatrier que « 25 % chaque année » de la valeur du bien, via un compte en dirham convertible à terme.

3. Le « Compromis de vente » : Une étape à encadrer par le notaire

Bien que le « compromis de vente » ne soit « pas obligatoire » pour toute acquisition immobilière au Maroc, il est devenu plus fréquent, notamment avec la nouvelle obligation d’obtenir l’attestation fiscale au préalable. Ce document préliminaire permet aux parties de « sécuriser leur accord » pendant que les démarches sont effectuées.

Un compromis de vente est également souvent signé dans les cas de financement bancaire ou lorsqu’il faut lever des charges (comme des hypothèques) sur le bien, afin de se donner le temps nécessaire. Dans tous ces scénarios, pour qu’il soit un outil de sécurité plutôt qu’un piège, il est fortement recommandé qu’il soit établi et supervisé par le notaire.

En somme, le notaire est bien plus qu’un simple rédacteur d’actes. Il est le conseiller, le vérificateur et le garant de la sécurité juridique et financière de votre transaction immobilière, assurant ainsi la protection de votre capital et la possibilité de rapatrier vos fonds en toute sérénité.

III. L’enjeu crucial du rapatriement des fonds

Le Maroc offre une opportunité précieuse aux investisseurs étrangers et aux Marocains Résidant à l’Étranger (MRE) : la « garantie de retransfert ». Cette garantie signifie que vous pouvez rapatrier le produit de la vente de votre bien immobilier – c’est-à-dire le capital investi et les plus-values réalisées – « à tout moment ». Cependant, cette facilité n’est pas inconditionnelle ; elle est soumise à une exigence fondamentale : la « traçabilité » des fonds.

1. La traçabilité : La pierre angulaire du rapatriement

La condition sine qua non pour bénéficier pleinement de cette garantie de retransfert est de prouver que « l’investissement a été financé au départ par le rapatriement de la devise étrangère ». Autrement dit, vous devez être en mesure de démontrer que les fonds utilisés pour l’acquisition initiale provenaient de l’étranger.

  • Comment assurer cette traçabilité ?
    • Ouvrir un compte en dirham convertible : Il est « préférable d’ouvrir d’abord un compte en dirham convertible » au Maroc. Ce type de compte est spécifiquement conçu pour être alimenté par de la devise étrangère.
    • Effectuer un virement depuis l’étranger : C’est sur ce compte convertible que vous devrez effectuer un virement depuis l’étranger pour financer votre acquisition. Cela crée une preuve bancaire claire de l’origine des fonds.
    • Privilégier les virements : Les transferts doivent se faire par virement bancaire ou SWIFT. Les paiements en espèces ou « cash » ne sont pas la méthode appropriée pour rapatrier de la devise en tant qu’étranger et n’offrent pas la traçabilité requise.
    • Preuve directe sur compte notaire : Bien qu’un virement puisse être fait directement sur le compte du notaire, « le plus important, c’est de garder la traçabilité ».
    • Attestation bancaire : Vous pourrez demander une attestation bancaire « à tout moment pour pouvoir rapatrier les fonds au moment de la revente ».
    • Compte unique pour non-résidents : Pour un non-résident au Maroc, le compte en dirham convertible est la seule option légale pour détenir des dirhams.
  • Pourquoi la traçabilité est-elle si critique ? Si vous n’arrivez pas à prouver cette traçabilité, par exemple si l’acquisition a été faite avec des revenus locaux au Maroc sans preuve de rapatriement de fonds de l’étranger, vous ne bénéficierez pas de la garantie de retransfert totale. Dans ce cas, la possibilité de rapatriement est limitée : vous pourriez avoir le droit de rapatrier seulement « 25 % chaque année » de la valeur du bien, via un « compte en dirham convertible à terme ». Ce rapatriement s’effectuerait à raison de 25% à l’ouverture du compte et 25% à chaque anniversaire pendant les trois années suivantes.

En résumé, l’idéal est « d’avoir une trace de toutes les transactions » et « d’ouvrir un compte convertible en dirham » car c’est « très important pour le financement, pour le paiement des frais et tout le reste ».

2. Fiscalité sur la plus-value lors de la revente

Le processus de rapatriement des fonds est intrinsèquement lié à la revente du bien, qui peut générer une plus-value soumise à l’impôt.

  • Imposition de la plus-value : Généralement, la plus-value est soumise à un impôt de « 20 % du profit réalisé ». Il existe également une « cotisation minimale de 3 % » du prix de vente, même en cas de moins-value (vente à perte).
  • Exonérations : Une exonération est possible après « 5 ans de résidence principale ». Pour les Marocains Résidant à l’Étranger, leur bien peut être considéré comme résidence principale s’ils n’ont qu’une seule résidence principale au Maroc, même s’ils vivent à l’étranger.
  • Avis préalable de l’administration fiscale : Le notaire joue un rôle clé ici. Pour éviter un redressement fiscal ultérieur par l’administration (qui a un droit de regard sur le prix de vente), le vendeur peut, via le notaire, demander un « avis préalable » pour déterminer à l’avance le montant exact de l’impôt à payer. Cette démarche nécessite la signature d’un compromis de vente et l’administration dispose de 60 jours pour répondre.

En conclusion, la présence du notaire est indispensable non seulement lors de l’acquisition pour sécuriser la transaction et la traçabilité des fonds, mais aussi lors de la revente. Le notaire vous guidera à travers les étapes fiscales et administratives, assurant ainsi une protection continue de votre investissement et la fluidité de son rapatriement.

Il est à noter qu’un avocat pouvant intervenir devant la Cour de cassation est autorisé à établir les contrats de vente et d’achat de biens immobiliers.

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